Messieurs, Mesdames,

 

Suite au message public de remontrances adressé par Monsieur Bernard Landry au Premier Ministre Stephen Harper, dans votre édition des 22-23 juillet 2006, je voudrais vous faire part de mes commentaires, exprimés dans le texte qui suit.

 

Sincères salutations,

 

William Krief

St-Laurent

 

M. Landry s’offusque de l’attitude de M. Harper, laquelle ne correspond pas au prestige qu’il voudrait pour le Canada. L’attaque de M. Landry ne provient apparemment pas de divergences sur le fond, mais de considérations de forme et de bienséance. Ce qui compte pour M. Landry, c’est la belle apparence, l’expression suave qui convient aux gens bien-comme-il-faut, qui pensent qu’il n’y a ni bons ni méchants, mais tout simplement un manque de « bonne volonté de part et d’autre », que ce manque nuit lamentablement à « la paix », laquelle doit gagner sur « la violence », comme s’il s’agissait là d’allégories ou de phénomènes autonomes.

 

Ainsi, il donne à M. Harper des leçons de maintien, et son discours ressemble finalement à un « coup de gueule » gaulois immédiatement atténué par des considérations modératrices −ayant pour but de ménager chèvre et choux− mais n’arrivant au mieux qu’à créer la confusion. M. Landry aurait la même position que M. Harper sur le fond, tant en ce qui concerne le Hamas que le droit d’Israël, mais ne reconnaîtrait pas au Premier ministre le droit de le dire simplement. Il préfèrerait sans doute les acrobaties diplomatiques des Chirac et Villepin, lesquels sont devenus en France des experts en confusion, disant sans dire tout en disant, partageant à la fois les vues des Américains, des Israéliens, des Libanais et même… du Hezbollah.

 

Pour Monsieur Landry, ce qui compte avant tout, ce n’est pas la recherche de la vérité, c’est la posture d’homme sage épris de paix. De paix, nous sommes tous épris, Israël en premier, et je ne crois pas que M. Harper ait dit autre chose en déclarant qu’ « Israël à le droit de se défendre ». Il faut donner acte à M. Harper de privilégier la clarté −tout comme d’ailleurs M. Sarkozy en France, pour continuer le parallèle avec d’autres hommes d’état francophones.

 

M. Landry reproche donc à M. Harper sa trop grande clarté; il voudrait enseigner à M. Harper l’art du flou artistique, lequel semble si essentiel à ce qu’il appelle la recherche de la paix, c’est-à-dire le ménagement des parties.

 

La différence entre les deux hommes d’état est pourtant beaucoup plus profonde qu’elle n’est formelle. Chez M. Landry tout semble être dicté par la logique mécanique du gros bon sens populaire capable de lever un vent d’opinion menaçant. À questions simples, réponses logiques : « Quel intérêt peut avoir le Canada à être présent en Afghanistan? Ne risquons-nous pas de prendre parti et d’attirer sur nous les foudres des terroristes? Si tel est le cas, ne l’aurons-nous pas cherché?  Par ailleurs, ne risquons-nous pas de nous aliéner des citoyens, parmi ceux qui sont proches d’Israël, parmi ceux qui sont proches des pays arabes? » Son but? Probablement attaquer courtoisement ses opposants en prenant appui sur la grogne de l’opinion, au besoin en l’accompagnant dès qu’elle se manifeste.

 

Finalement, au motif d’une recherche de paix sur le plan international apparaissent, sur le plan intérieur, des mises en garde projetant le spectre d’une opinion nationale « évidemment hostile » à un comportement comme celui de M. Harper.

 

Chez M. Harper en revanche, on semble privilégier une certaine sobriété de discours et des actes. Les décisions peuvent être impopulaires, mais l’effort est là, le Premier ministre donne vraiment l’impression de faire ce qu’il croit devoir faire. Revenons un instant sur ses récents démêlés avec la presse nationale. Les journalistes, habitués à user de leur pouvoir amplificateur pour infléchir l’action des gouvernements précédents se sont retrouvés devant un homme qui semble, avant toute chose, réfractaire à la menace. Au début ils n’y sont pas allés de main morte, n’hésitant pas à dénoncer  une volonté gouvernementale de « museler la presse », en rupture avec une longue tradition de tenue en respect du pouvoir par les médias. C’est le même homme qui prend position contre d’autres menaces.

 

Il y a certes des risques à une telle attitude, mais je la trouve plus noble que celle qui affectionne les postures de prix Nobel, fussent-ils de la paix.  Tellement clair que ça paraît simpliste : nous ne devons pas céder à la terreur et devons nous positionner en conséquence. S’imaginer qu’en recourant du flou artistique on met le pays à l’abri du terrorisme, c’est se bercer de rêves et, beaucoup plus grave, risquer d’y entraîner les autres.

 

La position de M. Harper sur la présente guerre au Proche-Orient est issue du même engagement : il y a agression d’Israël par la milice terroriste du Hezbollah agissant à partir d’un état qu’on qualifie de souverain mais qui ne l’est pas. La menace sur Israël est énorme : elle émane de la Syrie et de l’Iran qui ont choisi le Liban comme champ de bataille, et l’action militaire d’Israël, inévitable, est proportionnelle à la menace, même s’il est évident que nulle raison d’état ne saurait s’accomoder en toute tranquilité d’esprit des larmes privées −je fais ici référence aux conséquences de la guerre, désastreuses pour les habitants de cette terre sans véritables hommes d’état.

 

Qui veut croire ou faire croire que M. Harper, par suite de sa déclaration, est insensible aux souffrances des civils libanais dans ce drame, et qu’il a privilégié celles des civils israéliens? M. Landry le suggère en faisant appel une fois de plus à une espèce sentimentalisme issu d’un "romantisme cul-cul" dont il a le secret et qui n’aboutit qu’à conforter l’instinct d’injustice réveillé à juste titre, mais passionné, enflammé, et finalement éloigné de la capacité de jugement.

 

Entre le style d’un tribun aux belles paroles destinées à fonder son autorité sur la sympathie des foules ainsi bercées, et celui d’un démocrate −un brin autocrate il est vrai− qui fait ce qu’il dit et qui dit ce qu’il pense, avec courage et malgré les risques de s’aliéner une opinion livrée à la démagogie de ses détracteurs, je choisis sans hésiter le second et je dis : « bravo M. Harper! »

 

 

William Krief

 

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